En octobre 1905, le novice Frà Pio entra au couvent de San Marco la Catola, dans la province de Foggia, pour y poursuivre ses études de lycée et de théologie. C’est là qu’il rencontra le Père Benedetto, de son nom civil Gerardo Nardella, qui devint son directeur spirituel jusqu’en 1922. Padre Pio appelait son directeur spirituel « l’homme qui l’avait formé ». Voici quelques enseignements de Padre Benedetto sur la vie chrétienne.
Contemplation de Dieu
Pense à Dieu comme plus doux que toute douceur, plus bon que toute bonté, plus miséricordieux que toute miséricorde, plus aimant que tout amour — et tu l’auras compris de la manière la plus juste et tu lui plairas davantage.
Si tu veux éveiller en toi, en plus de l’amour du cœur, ton admiration pour Lui, pense à Lui comme étant plus fort, plus sage, plus beau, plus saint et plus pur que tout ce qu’on peut imaginer. Par un seul geste, Il a créé du néant des myriades d’anges, créatures nobles, resplendissantes d’esprit, admirables de puissance, fascinantes par leur douceur et leur dignité — un exemple de Sa sagesse et de Sa vertu.
Oh, qu’Il est aimable et grand, notre Dieu ! Et combien nous sommes petits lorsque nous ne L’élevons au-dessus de nous qu’un peu en bonté, générosité, patience et gloire. Agrandis, agrandis l’image que tu as de Dieu dans ton esprit et éveille dans ton cœur des sentiments d’amour et d’adoration.
Union constante avec Dieu
Si tu me demandes combien de temps tu dois consacrer à la prière vocale et à la méditation, je laisse cela à ton propre discernement, en tenant compte de ta situation familiale, de tes besoins personnels, etc.
Mais si tu veux savoir combien de temps tu dois rester en prière ou en union avec Dieu, je t’exhorte, avec saint Paul de la Croix (fondateur des Passionistes, 1694–1775), à le faire vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Tu dois tout faire toujours en pensant à Lui, avec une affection intérieure, pour Lui plaire : dans ton travail, dans tes affaires, en mangeant, en dormant, dans tes moments de détente, en tournant affectueusement ton attention vers Lui, qui t’aime et te regarde avec un amour incessant. Reviens souvent en Sa présence par de simples et affectueuses paroles du cœur, et garde-Le dans ta mémoire.
Je sais qu’à ton état actuel d’amour, il t’est impossible de maintenir une telle attention continue comme le font les âmes exercées et avancées; mais tu peux facilement nourrir le désir intérieur et la volonté de le faire du mieux que possible.
Mais ne fais rien par contrainte ni en te tourmentant, mais toujours avec douceur et patience.
Soyez mon aide, ô Dieu, ne m’abandonnez pas et ne me méprisez pas,
ô mon Dieu et mon Bien.
Abandon total à la Providence
Tu me demandes ce que sainte Jeanne-Françoise de Chantal demanda à saint François de Sales. Elle aussi voulait savoir si son âme, entièrement remise entre les mains de Dieu, pouvait se reposer parfaitement, laissant à Lui le soin de son intérieur et de son extérieur, plaçant toute sa confiance en Sa Providence et en Sa volonté, de sorte qu’elle restât sans inquiétude, sans choix personnel et sans désir de quoi que ce soit en dehors de ce que le Seigneur accomplissait en elle, après avoir rejeté tout obstacle et toute résistance.
Comment peux-tu en douter ? Qu’y a-t-il de plus avantageux que cet abandon — quelle activité plus féconde que ce repos ? Dieu est Père et Mère, et je ne sais si un enfant peut mieux agir qu’en se laissant doucement tomber dans les bras de sa mère, sans réflexions ni inquiétudes.
Il n’existe aucun saint qui n’ait pratiqué l’abandon total à Dieu, et c’est ainsi qu’ils ont atteint la sainteté et la paix immuable à travers les événements divers, souvent douloureux et contradictoires de la vie.
Il n’y a donc pas de maître spirituel qui veuille conduire les âmes à un grand amour de Dieu sans enseigner et recommander l’abandon.
Et qui pourrait mieux penser, ordonner et pourvoir que la sagesse et l’amour infinis ?
Ô Amour tout-puissant, que tous Vous embrassent, rejetant toute inquiétude et toute sagesse propre.
Abandon et obscurité
Souffrir une humiliation est douloureux, mais sois assuré que la miséricorde divine la transformera en consolation.
Tu veux savoir pourquoi le « Dominus tecum » demeure pour toi un mystère. C’est très simple à comprendre si tu sais que le « Dominus tecum » ne suffisait pas même à Marie lorsqu’elle cherchait son Fils perdu. Sa réponse fut : « Pourquoi m’avez-vous cherché ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans ce qui est à mon Père ? » (Lc 2,49).
Je t’assure qu’aucune parole, même si Jésus te parlait personnellement comme à Marie-Madeleine au tombeau, ne pourrait te délivrer de cet état d’angoisse tant que le Père ne l’a pas permis. Et le Père est Amour, Il fait tout par amour, même si cela paraît à l’âme comme de la rigueur. Qui aurait pu imaginer que le Père regardait Son Fils en croix avec un amour infini, au moment même où Celui-ci croyait être abandonné ?
C’est une vérité ancienne, mais le drame reste toujours nouveau : le Père voit toujours les âmes en Son Fils crucifié, et les âmes répètent toujours : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mc 15,34), oubliant qu’après la couronne d’épines vient la couronne de gloire.
Tu oublieras le prix du Père tant que tu te plaindras de ton abandon apparent — aussi longtemps que ton calvaire le demandera, selon la force qui t’a été donnée.
La croix doit précéder la joie. Mais comment est-il possible, diras-tu, que de telles ténèbres viennent de Dieu ?
Réfléchis, mon fils : parmi les soldats, il y en a qui, dès le début, sont en première ligne, tandis que d’autres ne connaissent jamais les tranchées; et pourtant, il n’y a qu’un seul Commandant. Ici-bas, nous sommes tous dans Son armée, chacun avec sa mission : à toi revient le poste avancé, réservé seulement aux plus braves. As-tu quelque chose à y redire ?
Mais les premiers restent toujours les premiers, et tu fais bien de remercier Dieu de t’avoir choisi et donné du courage.
Connaissance de soi
Tu peux et tu dois m’écrire, car il n’est pas de sacrifice plus beau et plus agréable que l’obéissance.
En te répondant, je ne suivrai ni ton jugement ni le mien, mais celui de notre Seigneur, qui est aussi bon qu’il est sublime.
L’effrayante connaissance de soi me console, car elle est vérité. Mais tu ne dois pas t’y arrêter. De même qu’un architecte construit en hauteur selon la profondeur des fondations, ainsi l’esprit doit se servir de la connaissance de sa propre misère pour s’élever et se confier à la miséricorde sublime de la bonté divine.
Tu sais que l’or est purifié au feu et que l’amour est une flamme : veux-tu donc te renouveler et t’embellir totalement ? Aime.
Un acte d’amour et d’abandon vaut plus que cent jeûnes et pénitences.
Humilité, confiance, phénomènes extraordinaires
L’humilité est belle, mais la confiance douce l’est tout autant. La modestie timide est agréable, mais pas autant que l’abandon à Celui qui nous commande d’espérer et qui ouvre Ses bras et Son Cœur, rejetant le vêtement et l’enceinte sacrée de Ses côtes.
Jusqu’à présent, tu as gardé le silence sur les phénomènes extraordinaires en toi et tu t’en es méfié — c’était bien, pour te préserver de la vanité. Dans ces choses, la réserve est une pierre de touche d’authenticité. Mais maintenant que la preuve est faite, tu dois parler. Je te l’ai ordonné, et tu es à l’abri de toute trace de vanité et d’illusion.
Car c’est précisément dans le silence qu’une illusion pourrait se cacher, puisque Satan aime tendre des pièges aux âmes fermées. Ou du moins, il t’excite à une doute exagéré qui freine ton progrès, que Dieu veut, en te donnant Ses grâces.
Coup de grâce
Abandonne-toi à ce coup de grâce et sois en paix. « Nombreux sont les malheurs du juste, mais de tous, le Seigneur le délivre » (Ps 33,20).
Tu crois être abandonné, mais en réalité tu ne l’es pas, car il est difficile d’imaginer qu’un Dieu qui est Amour puisse abandonner une âme créée à Son image et rachetée au prix de tant de souffrances et de sang.
Oh, combien il est vrai que « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rm 8,28). Souffrir une humiliation est douloureux, mais tu peux être sûr que la miséricorde divine la transformera en consolation.
Et quoi qu’il t’arrive : tant que tu veux appartenir à Dieu, cela servira à réaliser ton désir de perfection. Sois donc tranquille. Ou mieux : réjouis-toi en pensant qu’au jour de la révélation, tu reconnaîtras combien Dieu est bon en toutes Ses voies.
Patience envers soi-même, mortifications corporelles
Toi seul as peur de toi-même, moi et les autres non. Mais crois-moi : si les guides n’ont pas peur, il n’y a pas de raison d’avoir peur. Sois décidé à maîtriser ta colère et, comme dit l’Apôtre, sois patient, bienveillant, supportant tout (1 Co 13,4), plein de miséricorde même envers toi-même, toi qui es ton prochain le plus proche.
Compte tenu de ta bonne santé et de ta force, je t’autorise à pratiquer une discipline (pénitence) une fois par semaine et à ajouter une petite mortification alimentaire le mercredi, le vendredi et le samedi. Je n’entends pas par là un jeûne complet, mais seulement à renoncer à quelques bouchées qui, en fin de repas, servent davantage à la sensualité qu’à la santé. Sept heures de sommeil suffisent. Davantage entraîne à la paresse. Dans l’ensemble, seule la mesure que Dieu veut pour toi te sera utile.
Prie notre Seigneur de te sauver de la gueule du chien et de la gueule du lion (Ps 21,21–22), comme prie le prophète, et ajoute :
Soyez mon aide, ô Dieu, ne m’abandonnez pas et ne me méprisez pas, ô mon Dieu et mon Bien.
