Dans son discours d’ouverture du 9 octobre 2021 pour le Synode sur la synodalité, François a présenté son intention de « créer une Église différente ». Maintenant que trois années se sont écoulées, il semble raisonnable de se demander si François a réellement créé une nouvelle Église.
de Robert Morrison
Dans son discours d’ouverture du Synode sur la synodalité, le 9 octobre 2021, François présenta son intention de « créer une Église différente » :
“Chers frères et sœurs, que ce Synode soit habité par l’Esprit ! Car nous avons besoin de l’Esprit, le souffle toujours nouveau de Dieu qui nous libère de toute fermeture, qui fait revivre ce qui est mort, qui brise les chaînes et répand la joie. Le Saint-Esprit est Celui qui nous guide là où Dieu veut, et non pas là où nos idées et nos goûts personnels nous conduiraient. Le Père Congar, de sainte mémoire, rappelait : « Il ne faut pas construire une autre Eglise, il faut construire une Eglise différente » (Vraie et fausse réforme dans l’Eglise). Et c’est là le défi. Pour une “Église différente”, ouverte à la nouveauté que Dieu veut lui suggérer, invoquons l’Esprit plus souvent et avec plus de force et écoutons-le humblement, en marchant ensemble, comme il le désire, lui le créateur de la communion et de la mission c’est-à-dire avec docilité et courage.”
La déclaration de François fut remarquable non seulement pour la notion blasphématoire de « créer une église différente » – comme si Dieu aurait fait une erreur en établissant l’église catholique pour durer jusqu’à la fin des temps – mais aussi en citant le livre de Congar comme source d’inspiration. Pour avoir une idée de l’importance de la “Vraie et Fausse Réforme dans l’Église”, nous pouvons nous référer à l’introduction du traducteur à l’édition de 1968 du livre de Congar :
C’est aussi un livre qui est, à mon avis, plus puissant aujourd’hui qu’à l’époque de sa publication originale en 1950, lorsqu’il fut très mal compris. Peu de temps après sa publication, le Saint-Office interdit sa réimpression ou sa traduction dans d’autres langues ; pourtant, moins de vingt ans plus tard, la plupart de ses idées avaient trouvé leur place dans les principaux documents de Vatican II. Congar lui-même a fait remarquer un jour : « S’il y a une théologie de Congar, c’est là où on la trouve ». Après Vatican II, Congar a publié une deuxième édition révisée de “Vraie et fausse réforme” en 1968. C’est cette édition qui est traduite ici.
Ainsi, en citant le livre de Congar, François a signalé son intention de permettre aux idées novatrices qui furent condamnées par le Pape Pie XII, de servir de force animatrice pour son Synode. En résumé, nous avons la chronologie suivante concernant le rôle de Congar à inspirer la création d’une église différente :
La Vraie et Fausse Réforme dans l’Eglise de Congar fut censurée par le Saint-Office dans les années 1950 sous Pie XII.
Néanmoins, de nombreuses idées de la Vraie et Fausse Réforme dans l’Église se firent une place dans les documents de Vatican II après que Jean XXIII eut réhabilité Congar en le nommant expert du Concile.
Le 9 octobre 2021, François cite la Vraie et Fausse Réforme dans l’Église comme source d’inspiration pour son désir de « créer une Église différente » avec le Synode sur la synodalité.
Le 21 octobre 2024, le père Timothy Radcliffe, cardinal désigné pro-LGTBQ, conduit les participants au Synode dans une méditation préparatoire à la rédaction du document final du Synode – dans cette méditation, Radcliffe évoque le témoignage héroïque de Congar en faveur de la vérité face à la persécution sous Pie XII.
Bien que certains catholiques aient affirmé que Vatican II avait produit une Église différente – l’« Église conciliaire » – la majorité des catholiques fidèles ne considèrent pas l’Église catholique et l’Église conciliaire comme des Églises réellement distinctes. Cependant, le désir déclaré de François de suivre l’inspiration de Congar en créant une Église différente nous amène à considérer une question vitale : le synode de François a-t-il réellement créé une Église différente?
Le synode de François a-t-il réellement créé une Église différente ?
Plusieurs éléments nous indiquent que le synode de François a effectivement créé une Église différente. Tout d’abord, nous devons évidemment tenir compte du fait que François nous a dit qu’il avait l’intention de créer une Église différente. Bien que cela ne démontre pas en soi que le synode a produit une Église différente, il est raisonnable de se poser la question.
Deuxièmement, François et les participants au Synode se réfèrent généralement à leur Église comme à l’« Église synodale » plutôt qu’à l’« Église Catholique ». Ainsi, par exemple, François n’a pas utilisé le mot « catholique » dans son homélie lors de la messe du 27 octobre concluant le Synode, mais il fit référence à l’Église synodale :
“Telle est l’Église synodale : une communauté dont la primauté réside dans le don de l’Esprit, qui nous rend tous frères dans le Christ et nous élève jusqu’à Lui.”
De même, les documents officiels du Synode sur la synodalité ont toujours fait référence à l’Église synodale plutôt qu’à l’Église Catholique.
Troisièmement, la composition de l’Église synodale semble différer de celle de l’Église Catholique. Dans son encyclique de 1943 sur le Corps mystique du Christ, Mystici Corporis
Christi, le pape Pie XII déclare que le Corps mystique du Christ est l’Église et que les membres de l’Église sont définis comme suit :
“Pourtant, au sens plein de l’expression, seuls font partie des membres de l’Eglise ceux qui ont reçu le baptême de régénération et professent la vraie foi, qui, d’autre part, ne se sont pas pour leur malheur séparés de l’ensemble du Corps, ou n’en ont pas été retranchés pour des fautes très graves par l’autorité légitime.”
Ainsi, l’appartenance à l’Église catholique requiert à la fois le baptême et la profession de la vraie foi (c’est-à-dire le catholicisme). Inversement, nous trouvons dans les documents du Synode sur la synodalité un sens précis que le baptême est le seul critère d’appartenance à l’Église synodale. Par exemple, l’Instrumentum Laboris 2023 déclare que l’Église synodale est fondée sur la reconnaissance d’une dignité commune basée sur le baptême :
Dans le cadre de cette compréhension globale, il se dégage une conscience de ce qui permet de caractériser une Église synodale. Ces traits distinctifs se présentent comme des convictions partagées à partir desquelles on peut s’arrêter pour réfléchir ensemble afin de poursuivre le chemin qui les affinera et les clarifiera, lors des travaux que l’Assemblée synodale entreprendra. 20. Avec une grande force, sur tous les continents, a émergé la compréhension qu’une Église synodale est fondée sur la reconnaissance de la dignité commune qui découle du Baptême, lequel fait de ceux qui le reçoivent des fils et des filles de Dieu, des membres de sa famille, et donc des frères et des sœurs en Christ. Habités par l’unique Esprit, ils et elles sont envoyés pour accomplir une mission commune.
Bien qu’il soit théoriquement possible de lire des passages comme celui-ci d’une manière qui ne contredise pas absolument l’enseignement cohérent de l’Église Catholique, il est indéniable que l’intention est d’établir le baptême comme le critère primordial, voire unique, d’appartenance à l’Église synodale.
Quatrièmement, la différence d’appartenance entre les deux Églises conduit naturellement à une perspective profondément différente de l’activité missionnaire. L’Église Catholique tire sa mission des paroles de Notre Seigneur :
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.(Matthieu, 28, 18-20)
Les catholiques veulent convertir les âmes à la foi catholique pour honorer Dieu et conduire les âmes au paradis.
D’autre part, les organisateurs de l’Église synodale cherchent à « accompagner » les autres, en les acceptant tels qu’ils sont, même s’ils sont hostiles à la foi catholique. En effet, l’idée que nous devons convertir les non-catholiques à la foi est complètement opposée au faux œcuménisme qui est au cœur de l’Église synodale.
Cinquièmement, il existe une profonde différence dans le développement de la doctrine au sein des deux Églises. Pour les catholiques, la révélation s’est achevée avec la mort du dernier apôtre, et l’Église a pour tâche de sauvegarder le dépôt de la foi contre les erreurs qui ont toujours cherché à le miner. Le Pastor Aeternus de Vatican I l’exprime clairement dans sa discussion sur la responsabilité des successeurs de saint Pierre de sauvegarder avec zèle et de transmettre fidèlement l’enseignement catholique :
Car le Saint Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi.
Leur doctrine apostolique a été reçue par tous les Pères vénérés, révérée et suivie par les saints docteurs orthodoxes. Ils savaient parfaitement que ce siège de Pierre demeurait pur de toute erreur, aux termes de la promesse divine de notre Seigneur et Sauveur au chef de ses disciples : ” J’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; et quand tu seras revenu, affermis tes frères ” Lc 22,32.
D’autre part, nous avons tous vu comment l’Église synodale aborde la question du développement doctrinal, avec essentiellement toutes les vérités chrétiennes autres que celles explicitement contenues dans le Credo des Apôtres, comme sujettes à débat. Un exemple parmi tant d’autres, le document final dit ceci à propos de la possibilité d’ordonner des femmes au diaconat :
l n’y a pas de raison ou d’obstacle qui devrait empêcher les femmes d’exercer des fonctions de direction dans l’Église : ce qui vient de l’Esprit Saint ne peut pas être arrêté. En outre, la question de l’accès des femmes au ministère diaconal reste ouverte. (Paragraphe 60)
Dans l’Église Catholique, la question est close, mais dans l’Église synodale, presque tout reste ouvert à la discussion.
Sixièmement, nous pouvons constater qu’alors que l’Église Catholique fut établie par Jésus-Christ il y a près de deux mille ans, l’Église synodale a effectivement commencé avec Vatican II. Le document final du Synode exprime cette réalité comme suit :
Enraciné dans la Tradition de l’Église, tout le parcours synodal s’est déroulé à la lumière du magistère conciliaire. Le Concile Vatican II a en effet été comme une semence jetée sur le terrain du monde et de l’Église… Le chemin synodal met en effet en pratique ce que le Concile a enseigné sur l’Église comme Mystère et l’Église comme Peuple de Dieu, appelée à la sainteté par la conversion continuelle qui vient de l’écoute de l’Évangile. En ce sens, le cheminement synodal constitue un nouvel acte authentique de réception du Concile, approfondissant ainsi son inspiration et revigorant sa force prophétique pour le monde d’aujourd’hui. (Paragraphe 5)
Les enseignements clairs et cohérents de l’Église Catholique avant Vatican II s’opposent à plusieurs aspects fondamentaux de l’Église synodale – en particulier en ce qui concerne l’œcuménisme, la liberté religieuse, la collégialité et la moralité – de sorte que François et les architectes synodaux savent que la continuité de leur nouvelle Église avec le passé ne remonte pas plus loin que Vatican II.
Enfin, nous pouvons considérer l’antagonisme qui existe entre les religions représentées par l’Église catholique et l’Église synodale. Le document préparatoire au synode sur la synodalité du 7 septembre 2021 décrit comment « Jésus, la foule et les apôtres » sont les trois acteurs impliqués dans l’Église synodale. Il décrit ensuite l’acteur supplémentaire :
Il existe aussi l’acteur “de plus”, l’antagoniste, qui apporte sur la scène la division diabolique entre les trois autres. Face à la perspective perturbatrice de la croix, certains disciples s’en vont et des foules changent d’humeur. Le piège qui divise –et qui entrave donc un cheminement commun– se manifeste aussi bien sous les formes de la rigueur religieuse, de l’injonction morale, qui se présente comme plus exigeante que celle de Jésus, ou sous celles de la séduction d’une sagesse politique mondaine qui se veut plus efficace qu’un discernement des esprits. Pour se soustraire aux tromperies du “quatrième acteur”, une conversion permanente est nécessaire. L’épisode du centurion Corneille (cf. Ac10), qui précède le “concile” de Jérusalem (cf. Ac15) et constitue une référence cruciale pour une Église synodale, est ici emblématique.
Comme on peut le constater, cet « antagoniste » rigide correspond à ceux qui adhèrent à ce que l’Église Catholique a toujours enseigné. Au nom de la tolérance, l’Église synodale ne peut tolérer ceux qui suivent l’enseignement catholique.
De même, les papes d’avant Vatican II ont condamné sans ambiguïté les fondements hérétiques de l’Église synodale, notamment le faux œcuménisme, la liberté religieuse et l’évolution doctrinale moderniste. En outre, nous ne pouvons imaginer que les saints aient pris part à des sessions synodales telles que celles dont nous avons été récemment témoins à Rome – ils auraient certainement souffert le martyre plutôt que de participer à des attaques aussi blasphématoires contre le Corps mystique du Christ.
Compte tenu de ces considérations, il semble pratiquement certain que le Synode de François a créé une Église différente : l’Église synodale. Cette Église synodale peut être considérée comme un développement de ce que certains catholiques avaient appelé l’« Église conciliaire » – tout ce que les catholiques fidèles ont objecté à l’« Église conciliaire » a été un élément vital dans la création de l’Église synodale.
Dieu a permis tout cela pour une raison, et nous savons que « pour ceux qui aiment Dieu, toutes choses concourent au bien » (Romains 8,28). La réalité de l’Église synodale nous oblige à considérer certaines questions importantes, comme celle de savoir si un homme peut être à la tête à la fois de l’Église Catholique et d’une Église anti-catholique. Enfin, les catholiques peuvent-ils soutenir l’Église synodale ?
En plus de soulever des questions importantes, l’existence d’une Église synodale donne l’occasion aux catholiques fidèles de rejeter clairement toutes les innovations qui différencient l’Église synodale de ce que le pape Pie XII et ses prédécesseurs (et tous les saints) connaissaient comme étant l’Église Catholique. Pendant des décennies, les catholiques furent en conflit, devant choisir entre la vérité immuable et la loyauté envers les autorités putatives de l’Église qui nous conduisaient à accepter des idées incompatibles avec la vérité immuable. Avec l’Église synodale, il semble que Dieu permette une certaine séparation et purification : notre foi catholique nous appelle à rejeter l’Église synodale pour qu’il nous reste la foi catholique pure qui exclut les erreurs des soixante années passées sur lesquelles l’Église synodale pose ses fondations. Cœur Immaculé de Marie, prie pour nous !