
En janvier 2025, un symposium international s’est tenu à l’université de Vienne pour « réévaluer » les événements de 1054 à Constantinople. Traditionnellement considérée comme le point de départ du schisme entre les deux Églises, cette date a été remise en question par les participants au symposium.
Le cardinal Kurt Koch, président du Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens, a prononcé le discours d’ouverture. Il a souligné que l’Église catholique et l’Église orthodoxe devraient se reconnaître mutuellement comme de véritables Églises afin de surmonter la séparation.
En 1054, le cardinal Humbert de Silva Candida s’est rendu à Constantinople sur ordre du pape Léon IX afin de conclure une alliance militaire contre les Normands. Ce projet échoua. Cependant, des circonstances malheureuses l’amenèrent à excommunier le patriarche Michel Cérulaire. Une contre-excommunication s’ensuivit. Dans l’histoire de l’Église, cette date est souvent considérée comme celle du schisme entre l’Église catholique et l’Église orthodoxe.
Les premières scissions ont eu lieu bien plus tôt, aux quatrième et cinquième siècles, parce que certaines communautés ecclésiales n’ont pas accepté les décisions doctrinales christologiques des conciles d’Éphèse et surtout de Chalcédoine en 451, et se sont donc séparées de l’Église impériale. La raison des divisions de l’époque était la formulation adéquate de la confession de foi du Christ, dans la mesure où les Églises préchalcédoniennes n’avaient pas accepté la décision doctrinale du concile de Chalcédoine selon laquelle Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme, est une personne en deux natures, reconnues comme « sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation », mais avaient souligné qu’en Christ, il n’y a pas deux natures, mais une seule nature donnée. Étant donné qu’il s’agit ici de la question la plus profonde de la foi chrétienne, il est évident que les discussions œcuméniques entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes orientales ont porté en premier lieu sur des questions christologiques. Les dialogues théologiques ont rapidement abouti à la réjouissante conclusion que les discussions christologiques de l’époque étaient essentiellement un problème de langage, dans la mesure où l’on utilisait des concepts philosophiques et théologiques différents de nature et de personne, de physis et de prosopon, mais que l’on voulait au fond témoigner de la même foi ecclésiale dans le Christ.
Il y a presque 60 ans, un pas important a été franchi lors de l’événement historique du 7 décembre 1965, lorsque, dans la basilique Saint-Pierre à Rome et dans l’église patriarcale Saint-Georges du Phanar à Constantinople, les plus hauts représentants des deux communautés ecclésiales ont effacé les anathèmes réciproques de 1054 de la mémoire et du centre de l’Église, comme le dit la déclaration commune, « afin qu’ils ne puissent plus constituer un obstacle au rapprochement dans l’amour ».
En 1971, le pape Paul VI et le patriarche syriaque orthodoxe d’Antioche, Mar Ignace Jacques III, ont affirmé dans leur déclaration commune « qu’il n’y a pas de différence dans la foi au mystère du Verbe de Dieu, qui s’est fait chair et véritablement homme, même si, au cours des siècles, des difficultés sont apparues en raison des différentes expressions théologiques dans la confession de foi ». Quelques années plus tard, le pape Jean-Paul II et le patriarche syriaque orthodoxe d’Antioche et de tout l’Orient, Ignace Zakka Ier Iwas, ont déclaré la conformité de la foi chrétienne à la personne du Christ. Sur cette base, ils ont signé un accord pastoral
permettant la réception réciproque des sacrements de la pénitence, de l’eucharistie et de l’onction des malades dans les situations d’urgence. Cet accord mérite le qualificatif de « historique », car pour la première fois dans l’histoire, une communicatio in sacris limitée a été rendue possible entre les deux Églises, malgré la persistance de la séparation ecclésiastique.
Les Églises orientales en union avec l’évêque de Rome ont un rôle particulier à jouer dans la reconquête de l’unité des chrétiens, en particulier envers les Églises orthodoxes orientales et les Églises orthodoxes. Le décret conciliaire sur les Églises orientales catholiques « Orientalium Ecclesiarum » stipule en effet : « Aux Églises d’Orient en communion avec le Siège apostolique romain appartient à titre particulier la charge de promouvoir l’unité de tous les chrétiens, notamment des chrétiens orientaux, selon les principes du décret de ce Concile sur l’œcuménisme[…] ».
Le pape Jean-Paul II a donné une importance supplémentaire à ce souhait d’unité en promulguant pour les Églises catholiques orientales un livre de droit ecclésiastique spécifique : le Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium (CCEO). Avec lui, il n’a pas seulement exprimé une estime particulière pour ces Églises, mais il a également poursuivi l’objectif que l’Église, comme il l’a souligné dans sa constitution apostolique « Sacri canones », « respire avec ses deux poumons, celui de l’Orient et celui de l’Occident, et avec un cœur, qui a deux ventricules, elle brûle d’amour pour le Christ » .
L’objectif œcuménique est également souligné par la limitation dans le temps de la validité des dispositions juridiques du CCEO. Le décret sur les Églises orientales catholiques stipule en effet dans sa conclusion que « toutes ces dispositions juridiques » ne sont valables que pour les circonstances présentes, «jusqu’à ce que l’Église catholique et les Églises orientales séparées s’unissent dans la plénitude de la communion.»
La limite temporelle signifie donc concrètement que lorsque la pleine communion de l’Église catholique avec les Églises orthodoxes orientales et orthodoxes sera réalisée, la tâche du CCEO sera accomplie et une nouvelle législation devra être entreprise. On ne peut pas exprimer plus clairement la responsabilité œcuménique spécifique des Églises catholiques orientales, telle qu’elle a été rappelée par le pape Jean-Paul II dans son exhortation apostolique Pastores gregis : « Il n’y a pas de doute que les Églises catholiques de l’Orient, en raison de leur affinité spirituelle, historique, théologique, liturgique et disciplinaire avec les Églises orthodoxes et les autres Églises orientales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l’Église catholique, ont un titre spécial pour œuvrer à la promotion de l’unité des chrétiens, surtout de l’Orient. »
Cela peut être illustré par le Codex Iuris Canonici (CIC) pour l’Église latine : Contrairement au CIC, qui ne contient pas de partie systématique propre à la responsabilité œcuménique de l’Église catholique, mais qui se réfère aux questions œcuméniques par de différentes normes, le CCEO, en revanche, consacre un titre spécifique à la mission œcuménique de l’Église dans son ensemble, à savoir le titre XVIII, intitulé : « L’Œcuménisme ou la promotion de l’unité des chrétiens ». On y trouve donc une obligation juridique ecclésiologique explicite de participation de l’Église catholique au mouvement œcuménique, par laquelle il est exprimé sans équivoque que la tâche œcuménique est un devoir pour l’Église catholique.
Toutefois, des points de désaccord subsistent, comme la nature et l’exercice de la primauté de l’évêque de Rome, la papauté. Néanmoins, des points communs ont été constatés au cours des soixante dernières années.
Traditionnellement, des représentants du Vatican participent aux célébrations orthodoxes de la Saint-André. En retour, des envoyés du Patriarcat œcuménique assistent aux célébrations catholiques de la fête de Pierre et Paul, le 29 juin au Vatican. Alors que le pape est considéré comme le successeur de l’apôtre Pierre, le patriarche œcuménique se réclame du frère de ce dernier, saint André.
Fin novembre 2024, une délégation du Vatican conduite par le cardinal Kurt Koch s’est encore rendue à Istanbul pour une telle célébration avec le patriarche. À cette occasion, le pape François avait écrit un message à Sa Sainteté le patriarche œcuménique Bartholomaios, qui a été lu à la fin d’un service religieux pour la fête de l’apôtre André. Il y mentionnait notamment le 1700e anniversaire du Concile de Nicée, en 2025, comme un moment de croissance commune.
C’est en 325, dans l’actuelle ville d’Iznik en Turquie, que fut formulée la confession de foi chrétienne centrale lors du premier rassemblement œcuménique de l’histoire de l’Église.
« La commémoration de cet événement important renforcera certainement les liens déjà existants et encouragera toutes les Eglises en vue d’un témoignage renouvelée dans le monde d’aujourd’hui », a déclaré le pape François.
La reconnaissance des Églises orientales en tant qu’Églises s’explique par le fait que l’Église catholique considère la communion avec les Églises d’Orient comme très proche, comme l’a explicitement exprimé le pape Benoît XVI : « Parmi les Églises et les communautés chrétiennes, l’Orthodoxie est, sans doute, théologiquement la plus proche de nous ; catholiques et orthodoxes ont conservé la même structure de l’Église des origines ; en ce sens, nous sommes toutes « Église des origines », qui, toutefois, est présente et nouvelle. »
Il ne s’agit pas de viser un compromis sur le plus petit dénominateur commun possible. Il s’agit plutôt de mettre en valeur les points forts respectifs des deux communautés ecclésiales. Comme l’a souligné le cardinal Koch, la prochaine étape est la reprise de la communion eucharistique. Ce n’est qu’en rétablissant la communion eucharistique que l’Église indivise en Orient et en Occident pourra être restaurée, ce qui est le véritable objectif de tous les efforts œcuméniques. Puisse la volonté de notre Seigneur Jésus-Christ s’accomplir davantage en cette année jubilaire 2025, qui marque l’anniversaire de dates si importantes.
Sources: Kardinal Koch: Ziel der Ökumene ist Aufhebung von Ost-West …
Lecture at the 25th anniversary of the Collegium Orientale …