
Le Padre Pio disait : « Là où il n’y a pas d’obéissance, il n’y a pas de vertu ; la bonté et l’amour n’existent pas. Et là où il n’y a pas d’amour, Dieu n’est pas présent non plus. Sans Dieu, nous ne pouvons pas atteindre le ciel. Ces vertus forment une échelle. S’il manque un échelon, nous tombons. »
Dans cette perspective, l’article suivant sur l’acédie spirituelle est particulièrement éclairant. Dans notre vie quotidienne, nous pouvons nous-mêmes discerner si Dieu occupe réellement la première place, et ce que nous pouvons faire pour le remettre au centre de notre existence.
L’illusion d’une activité vertueuse : Quand la paresse prend le masque de la productivité
Maîtriser l’art de contourner l’essentiel
Un samedi matin débute. Tu as prévu d’écrire ce rapport attendu, de préparer ton intervention pour le groupe de prière, de réviser ton cours de théologie ou tout simplement de te recueillir. Mais avant tout, tu préfères ranger ton bureau. Puis, tant qu’à faire, tu décides de nettoyer méticuleusement ton clavier à l’aide de cotons-tiges et d’alcool. S’ensuit une réorganisation complète de ton ordinateur, la consultation minutieuse des e-mails, la mise à jour de ton agenda, et même quelques vidéos inspirantes sur YouTube. Et voilà, la journée est passée.
Tu as été occupé – très occupé. Mais en vérité, tu n’as pas touché à l’essentiel.
Ce comportement porte un nom : une paresse contemporaine, bien camouflée sous les habits séduisants de l’utilité. Une forme moderne de ce que la tradition spirituelle nomme l’acédie – un engourdissement de l’âme, une fuite intérieure devant l’appel de Dieu à accomplir ce qui sanctifie.
La véritable nature de la paresse : plus subtile qu’il n’y paraît
L’image commune de la paresse évoque un individu allongé, inactif. Pourtant, la réalité est bien plus complexe.
Dans la tradition morale chrétienne, la paresse ne se limite pas à l’oisiveté. Elle désigne une répulsion intérieure envers le bien spirituel. Saint Thomas d’Aquin l’identifie comme une «tristesse devant le bien divin». Autrement dit, une désaffection du cœur face à ce qui est le plus noble : grandir en sainteté, vivre ses responsabilités chrétiennes, répondre à l’amour de Dieu.
L’acédie : une lassitude ancienne à la saveur moderne
Les Pères du désert appelaient cela l’acédie, une torpeur de l’âme mêlée d’ennui, d’agitation et de distraction. Évagre le Pontique parlait du « démon de midi » – ce moment où le moine, pris d’agitation, trouve mille excuses pour sortir, regarder par la fenêtre, repousser la prière.
Aujourd’hui, notre désert est numérique, mais les mécanismes sont les mêmes.
L’activité déguisée : quand faire trop, c’est ne pas faire ce qu’il faut
À notre époque hyperconnectée, la paresse prend souvent la forme d’une hyperactivité détournée. On multiplie les tâches secondaires, en évitant précisément ce qui devrait être accompli. Le piège ? Se croire vertueux sous prétexte d’efficacité.
Exemples concrets
- Le séminariste qui classe ses notes toute la matinée, mais oublie l’office.
- Une mère absorbée par le ménage, au lieu d’échanger avec son fils en difficulté.
- Un prêtre dont l’agenda déborde, mais qui fuit l’oraison silencieuse.
- Un fidèle qui enchaîne les vidéos spirituelles, mais n’adresse jamais une vraie prière à Dieu.
On finit la journée avec un clavier brillant. Mais une âme négligée.
L’appel biblique : Dieu attend l’obéissance, non l’agitation
L’Écriture nous met en garde : Dieu ne cherche pas des gens affairés, mais des cœurs fidèles à sa volonté.
« Ce ne sont pas tous ceux qui me disent “Seigneur, Seigneur” qui entreront dans le Royaume, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père. » (Matthieu 7, 21)
« Marthe, Marthe, tu te donnes du mal pour bien des choses… une seule est nécessaire. » (Luc 10, 41-42)
Marthe s’activait pour de bonnes raisons. Mais c’est Marie, assise aux pieds du Maître, qui a choisi « la meilleure part ».
Enjeux spirituels : la paresse comme refus intérieur
Un combat profond
Parmi les sept péchés capitaux, la paresse – ou acédie – affaiblit la vie intérieure. Elle n’est pas qu’un manque d’énergie : c’est une dérobade devant l’appel au don total de soi.
Causes fréquentes
- Incompréhension du sens profond des devoirs chrétiens.
- Crainte de faire face à un vide existentiel.
- Perfectionnisme inhibant.
- Attachement excessif à des tâches mineures, moins exigeantes.
Quelques pistes concrètes pour lutter
Clarifie ta mission du jour
Demande-toi chaque matin : qu’est-ce que Dieu attend vraiment de moi aujourd’hui ? Mets-le en tête de ta liste, en rouge si besoin. Et fais-le en premier.
Agis sans attendre
Romps le cycle de l’évitement en posant une action simple et immédiate : commence ce que tu redoutes par cinq minutes d’effort. L’élan de l’Esprit se manifeste dans le passage à l’acte.
Offre ton inconfort comme sacrifice
Ce que tu ne veux pas faire ? C’est peut-être justement là que Dieu t’attend. Offrir cette résistance intérieure comme une petite croix peut devenir chemin de transformation.
Mets en place des rituels sacrés
- Ouvre ta journée par la Parole et une prière.
- Prie à heure fixe, chaque jour.
- Installe un moment hebdomadaire de silence prolongé.
La régularité tue le démon de midi.
Trouve un accompagnement spirituel
Un regard extérieur peut discerner là où toi-même tu te berces d’illusions. Un accompagnateur t’aidera à voir les mécanismes d’évitement et à recentrer ta vie.
Examine ta journée avec vérité
Le soir venu, prends quelques minutes :
- Ai-je accompli l’essentiel ?
- Qu’ai-je évité, et pourquoi ?
- Où ai-je été fidèle à Dieu ?
Cet examen de conscience est une arme puissante contre l’illusion.
L’éternité comme horizon : la vie intérieure avant tout
Ce que Dieu attend de nous n’est pas une quantité d’actions, mais un amour sincère, vécu dans la fidélité quotidienne.
La paresse du XXIe siècle ne se manifeste pas par le vide, mais par le trop-plein de l’accessoire. Une activité débordante peut être une façon élégante d’échapper à l’essentiel.
« Réveille-toi, toi qui dors… et le Christ t’illuminera. » (Éphésiens 5, 14)
Et si cela commençait, aujourd’hui, par ne pas nettoyer le clavier… mais par s’agenouiller simplement pour prier ?
Choisis ce qui compte
La vie chrétienne ne se résume pas à être occupé, mais à aimer pleinement.
Ranger, organiser, faire mille choses… peut te donner bonne conscience. Mais Dieu t’appelle d’abord à purifier ton cœur, à poser des actes d’amour vrai, à ne pas fuir l’essentiel.
Fais aujourd’hui ce qui compte vraiment. Avant tout le reste.